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Pododermatites : des protocoles de contrôle différents selon les pays

9 décembre 2019 - Filières Avicoles

Le taux de pododermatites fait partie des indicateurs permettant d’évaluer le bien-être des poules en élevage. Au niveau européen, il n’existe cependant aucune précision réglementaire sur les modalités de suivi de cet indicateur. La Chambre d’agriculture de Bretagne publie un rapport sur les différentes méthodes appliquées en Europe.

Le taux de pododermatites relevé en post-mortem à l’abattoir apporte de nombreuses informations sur les conditions de vie des animaux en élevage, contrairement à d’autres indicateurs moins précis. Par exemple, les ailes cassées ou les griffures peuvent résulter des conditions de ramassage et de transports (ou encore d’abattage) tout comme le nombre de morts à l’arrivée à l’abattoir. Alors que le taux de mortalité journalier peut, lui, ne pas être lié aux conditions d’élevage en engraissement, mais plutôt à la qualité de l’accouvage ou à l’aspect sanitaire des troupeaux parentaux.

Le taux de pododermatite fait d’ailleurs partie des indicateurs de bien-être répertoriés dans la directive européenne de 2007 relative à la protection des poulets. Néanmoins, il n’existe aucune précision réglementaire sur les modalités de contrôle et de suivi de cet indicateur ni sur le seuil à partir duquel la situation est à corriger. Chaque état membre de l’Union européenne peut donc l’utiliser (ou non) comme il le souhaite à condition de contrôler obligatoirement d’éventuelles carences en bien-être animal.

Contrôle des niveaux de pododermatites au sein de l’UE et pénalités encourues

Dix-huit pays de l’Union européenne ont rendu le contrôle des taux de pododermatites obligatoire. D’autres, comme la Suède ou encore l’Espagne, utilisent couramment cet indicateur à l’abattoir bien qu’il n’y ait aucune obligation légale. Ainsi, on estime que 80 % des volailles dans l’Union européenne sont couvertes par un système de notation des pododermatites (2/3 des pays membres ayant mis en place un système de surveillance de ces lésions).

La Suède fut le premier pays de l’UE à introduire un système de notation des pododermatites, repris ensuite par le Danemark, les Pays-Bas et le Royaume-Uni. Ces quatre pays ont été les premiers à utiliser les taux de pododermatites comme indicateur dans l’UE.

Le système de notation utilisé dans l’Union européenne est souvent le modèle suédois ou ses dérivés, mais la méthode d’observation n’est pas la même à travers les pays membres et les abattoirs. La plupart ont recours à du personnel pour catégoriser les pattes échantillonnées, mais certains utilisent des systèmes de caméras spécialisées. Ces caméras sont pour le moment surtout présentes dans les gros abattoirs, car leur coût est important (180 000 euros environ par ligne d’abattage selon un professionnel allemand interrogé par la Commission européenne). Les abattoirs français s’équipent de plus en plus de ces caméras. Elles permettent d’évaluer un bien plus grand nombre de pattes, voire le lot entier, et de manière plus objective. Cependant, selon les tests, l’évaluation par caméra surévaluait ou sous-évaluait le niveau de pododermatites par rapport à une personne formée. Un des problèmes de ce système étant que la capture d’image ne permet pas de regarder la patte dans sa totalité contrairement à l’œil humain.

Le premier système de notation des pododermatites a été développé par l’Université des Sciences animales de Suède en 1998. Cela implique l’examen de 100 pattes (une par oiseau, provenant généralement d’au moins deux endroits de la chaîne afin d’éviter d’avoir un effet « zone du bâtiment ») par lot, qui sont classées dans 3 catégories : la catégorie 0 pour les pattes n’ayant pas de problème et les catégories 1 et 2 indiquant des niveaux croissants de sévérité. Par la suite, le nombre de pattes dans la catégorie 1 est multiplié par 0,5 et est additionné avec celui de la catégorie 2 multiplié par 2 afin d’obtenir un score de 0 à 200. Pour la Suède, un bon score est en dessous de 40. Au contraire, au-delà de 20% de pattes en catégorie 2, le seuil d’alerte est dépassé. Le score « tolérable » peut varier selon les pays même s’ils utilisent le même système de notation.

Danemark

Le Danemark utilise un système de bonus-malus pour les producteurs selon leur score de pododermatites. Une rémunération supplémentaire est ainsi prévue pour les éleveurs avec un très bon score et des pénalités pour ceux ayant un mauvais score de pododermatites. En cas de sérieuses non-conformités ou d’irrégularités répétées, l’éleveur doit prévoir un plan d’action et si par la suite aucune amélioration n’est constatée, il peut lui être demandé de baisser son niveau de densité.

Comme le Danemark, plusieurs pays imposent aux éleveurs n’arrivant pas à limiter leur taux de pododermatites de réduire leur densité d’élevage. C’est notamment le cas de l’Allemagne, l’Italie, des Pays-Bas ou de la Suède.

 Allemagne

En Allemagne, en cas de dépassement du niveau maximal toléré de pododermatites (20 % des pattes au niveau 2 ou 60 % au niveau 1 ou 2 – grille suédoise), le vétérinaire de l’exploitation en est informé et peut indiquer des mesures à prendre pour améliorer la situation. Si l’éleveur refuse de les suivre, sa densité d’élevage passe de 39 kg/m2 (densité maximale autorisée) à 33 kg/m2 jusqu’à ce que le vétérinaire de l’élevage valide une amélioration des conditions.

Italie

En Italie, les pododermatites ne sont pas systématiquement contrôlées à l’abattoir. L’évaluation a lieu en cas de problème rencontré sur un lot via d’autres indicateurs (taux de mortalité journalier cumulé, nombre de morts à l’arrivée et état général des animaux). C’est le système suédois de notation qui est utilisé, mais avec un échantillon de 200 pattes. La dérogation de l’éleveur pour stocker jusqu’à 39 kg/m2 est retirée durant un an après le troisième dépassement du seuil défini (niveau de pododermatites supérieur à 100 points).

Pays-Bas

Aux Pays-Bas, les éleveurs ayant une densité d’élevage supérieure à 39 kg/m2 doivent rentrer leur taux de pododermatites annuel sur une base de données nationale. Dès le premier dépassement du seuil autorisé (score compris entre 80 et 120 – système suédois), les producteurs doivent préparer un plan d’action avec l’aide de leur vétérinaire pour corriger la situation. En cas de second dépassement, ils doivent réduire leur niveau de densité en dessous de 39 kg/m2 durant l’année suivante. La baisse de densité est aussi une obligation en cas de score de pododermatites supérieur à 120.

Suède

Bien qu’il n’y ait pas d’obligation d’enregistrer le taux de pododermatites à l’abattoir dans la législation suédoise, la grande majorité des lots est évaluée. En effet, la plupart des éleveurs font partie d’un programme volontaire avec un cahier des charges spécifique comprenant l’évaluation du taux de pododermatites. En Suède, la densité est limitée à 20 kg/m2 avec une dérogation allant jusqu’à 36 kg/m2 (à condition de respecter plusieurs conditions) pour les éleveurs ayant au préalable un bon score de pododermatites. Lorsque le taux de pododermatites dépasse pour la seconde fois le seuil de 40 points (voir grille suédoise), la densité d’élevage est réduite de 1 kg/m2. En cas de dépassement du seuil des 80 points, la réduction est de 2 kg/m2 avec des baisses de 1 kg/m2 à chaque nouveau dépassement. Ces restrictions sont maintenues jusqu’à un retour à la normale.

Royaume-Uni

Le Royaume-Uni peut aussi sanctionner ses éleveurs par un retrait de la dérogation de stockage à 39 kg/m2, mais dans les faits, cela reste rare. Les pododermatites n’y sont contrôlées que sur les bandes où un problème a été détecté au préalable. L’Irlande du Nord fait exception, cet indicateur y étant contrôlé systématiquement (effectifs plus petits facilitant le contrôle systématique).

Pologne

En Pologne, tous les lots sont examinés en post- mortem avec une méthode d’évaluation similaire à la méthode suédoise. Le vétérinaire de l’exploitation est informé d’un problème lorsque le premier niveau d’alerte (niveau de pododermatites compris entre 41 et 80 points) est dépassé pour la seconde fois. Les services vétérinaires interviennent en cas de dépassement du second seuil (> 80 points). Aucune précision n’est donnée sur les actions mises en place dans ce type de cas.

France

La France a appliqué strictement la directive européenne et, contrairement à certains autres pays, n’a pas formulé d’exigences supplémentaires. Ainsi l’évaluation du taux de pododermatites à l’abattoir n’est pas une obligation légale. Tous les abattoirs ne peuvent se permettre de relever ce taux à cause du coût engendré. Néanmoins, depuis plusieurs années, des groupements et abattoirs l’ont inscrit dans leur cahier des charges et des grilles de bonus-malus sont progressivement mises en place. Les raisons sont diverses, allant de la prise en compte du bien-être animal et des attentes sociétales à une meilleure valorisation commerciale des pattes indemnes de lésions pour l’export vers des pays d’Asie, grands consommateurs de pattes de poulets. Pour le moment, il n’existe pas de consensus concernant le système de notation en France, chaque abatteur ayant sa méthode.

Retours sur l’évaluation des niveaux de pododermatites

Il n’est pas possible de comparer directement les niveaux et les situations entre les pays à cause des différences importantes parmi les protocoles d’évaluation et les différents paramètres (seuil(s) défini(s), système de calcul, interprétation des résultats, actions mises en place en cas de problème, etc.).

La Commission européenne indique néanmoins dans son rapport sur l’application de la directive (2007/43/EC) que l’utilisation du taux de pododermatites en tant qu’indicateur a permis des améliorations en matière de bien-être animal au sein de l’UE.

D’après une étude de 2016, les niveaux de pododermatites danois ont bien baissé entre 2002 et 2015 grâce à l’amélioration des paramètres d’élevage (ambiance, alimentation, gestion de la litière, système d’abreuvement), l’introduction de nouvelles technologies (comme des échangeurs de chaleurs) et les conseils prodigués aux producteurs en difficulté. 30 % des niveaux de pododermatites étaient en dessous de la barre des 40 points (système d’évaluation suédois) en 2003 et 75 % en 2013.

Alors que 35 % des scores dépassaient les 80 points en 2003 et seulement 8 % dix ans plus tard. Néanmoins, on estime que 15 % de la volaille danoise est envoyée dans les abattoirs des pays frontaliers (Allemagne et Pays- Bas) afin d’éviter les pénalités (situation probablement liée à un mauvais taux de pododermatites).

Selon les professionnels interrogés par la Commission européenne, le taux de pododermatites est en baisse depuis plusieurs années aux Pays-Bas. Cela serait dû à l’obligation d’enregistrer ses taux de pododermatites chaque année et aux améliorations des pratiques d’élevage (chauffage au sol, amélioration des systèmes de ventilation, etc.) afin d’éviter une baisse du niveau de densité autorisé (et donc une perte économique).

Des baisses du niveau de pododermatites sévères ont aussi été notées en Suède (Chiffres de l’équivalent du Ministère de l’Agriculture suédois : 11 % de cas sévères en 1994 ; 4 à 6 % entre 1995 et 2001 ; augmentation brève à 7 % en 2002 et 2003 ; 3 % en 2005). Enfin, selon la Commission européenne, des améliorations encourageantes ont été observées en France et en Pologne suite aux relevés des taux de pododermatites à l’abattoir.

Lire le rapport complet :  La prise en compte des pododermatites chez le poulet de chair comme indicateur du bien-être dans l’Union européenne - Frédérique Mocz - Chambre d’agriculture de Bretagne - Octobre 2019
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