Pouvez-vous rappeler quels sont les risques liés à la présence de ténébrions ?
On a effectivement remarqué que les éleveurs n’étaient pas forcément sensibilisés à l’importance de mettre en place une lutte contre les ténébrions. Ils connaissent plus ou moins les conséquences d’une infestation. Généralement, ils savent que les ténébrions peuvent endommager les isolants, mais ils sont souvent moins informés sur le portage de pathogènes. Plus de 50 pathogènes sont portés par les ténébrions, mais les principaux sont les colis, coccidies, salmonelles et histomonose pour les dindes. C’est aussi un hôte intermédiaire du Tenia.
Il y a un enjeu de biosécurité, car par exemple, une salmonelle peut survivre plus de 56 jours sur un ténébrion. Et les ténébrions peuvent se contaminer les uns les autres et redescendre au lot suivant
De plus, une infestation de ténébrions peut coûter jusque quatre points d’indice de consommation, car le poulet sera attiré par les larves qui bougent sous les gamelles au détriment de l’aliment, mais celles-ci sont non digestibles.
La lutte préventive contre les ténébrions est-elle bien intégrée en élevage ?
Les chiffres de l’Itavi montrent que deux éleveurs sur trois traitent leur élevage contre les ténébrions. Nous avons également mené une enquête l’année dernière sur une cinquantaine d’élevages, qui confirmait ces chiffres.
Mais quand on s’intéresse aux pratiques et notamment à la façon dont les produits sont utilisés, on constate que les protocoles sont parfois incomplets et que les produits, dans la majorité des cas, ne sont pas bien utilisés.
Quelles sont les erreurs les plus fréquentes ?
L’erreur la plus fréquente est de mener un protocole incomplet. Souvent, l’éleveur voit la population adulte de ténébrions à la fin du lot. Il va donc pulvériser un produit adulticide à ce moment-là. Or, les ténébrions adultes représentent seulement 20 % de la population, alors que 80 % sont au stade larvaire, généralement sous les mangeoires, dans les isolants ou dans le sol. Les larves vont s’enterrer dans les cinquante premiers centimètres du sol en terre battue et vont ressortir au lot suivant.
Une autre erreur courante est de ne pas effectuer de rotation des produits, ou des rotations de produits ayant des noms différents, mais dont les molécules appartiennent à la même famille. Or, il est préconisé d’utiliser un produit sur quatre ou cinq lots consécutifs, puis de changer de famille de molécule.
En dehors des manquements au niveau des protocoles, constatez-vous des erreurs dans l’utilisation des produits ?
Nous constatons au quotidien une mauvaise observance des produits en élevage. Pour chaque produit, en fonction de sa composition et de son mode d’action, correspond un moment d’application et des lieux d’application spécifiques. Il y a sur le marché des larvicides simples, des adulticides simples et des produits combinés (larvicides et adulticides). Certains éleveurs ne respectent pas forcément ces moments d’application.
Par exemple, les produits adulticides doivent être appliqués en fin de lot, les larvicides plutôt en début de lot. Des produits comme l’Elector (larvicide-adulticide) peuvent être utilisés en au début ou cours de lot (car homologué en présence des animaux).
Or, on constate par exemple que l’Elector est très utilisé en fin de lot, au départ des animaux. Il est donc appliqué sur les parois et sur les murs, alors que ce n’est pas forcément le meilleur endroit pour cibler les larves. Le produit perd donc en efficacité, la rémanence n’est pas exploitée et le retour sur investissement n’est pas optimisé.
Concernant l’application des produits adulticides, il faut savoir qu’une heure après le départ des volailles, les adultes seront déjà remontés se cacher. Donc si l’éleveur ne pulvérise pas immédiatement après le départ des volailles, s’il attend par exemple le lendemain, il atteindra seulement une partie des 20 % d’adultes.
On constate aussi parfois des manquements sur les lieux d’application. On préconise d’utiliser l’Elector sous les mangeoires, sur les murs et sur un mètre sur les retours de litière, sans oublier les pignons et un mètre tout autour du sas. Or, les mangeoires et le sas sont souvent oubliés.
Pensant gagner du temps, certains éleveurs décident parfois de pulvériser l’insecticide en même temps que le désinfectant, et ce, sur l’ensemble du bâtiment. Mais dans ce cas, les concentrations risquent de ne pas être les bonnes.
Il y a aussi beaucoup d’erreurs dans les préparations de solution. Les quantités de produits peuvent être mauvaises, mais ce qu’on constate dans environ 90 % des cas et qui selon nous est le plus pénalisant, c’est une mauvaise quantité d’eau. Des éleveurs ont un pulvérisateur de 15 l et vont donc préparer toute la solution dans 15 l d’eau, alors que l’on recommande 70 l d’eau pour un bâtiment de 1000 m2. Par conséquent, toutes les surfaces recommandées ne pourront pas être traitées. De même, quand on pulvérise la litière, juste avant l’arrivée des poussins, si les quantités d’eau sont insuffisantes, le produit sera très mal réparti.
Et on sait que le ténébrion a la capacité de détecter les zones traitées et de les contourner. Toute zone « de survie » va amener à l’échec des traitements.