Un relamping en repro sous haute surveillance !

Amine El Hallaoui, étudiant d'origine marocaine en BTS productions animales, a terminé mi mars son stage de 9 semaines réalisé sur l'élevage de reproducteurs Gallus Gallus de Laurent Loiseau au cours duquel il a étudié l'incidence de l'installation de néons leds sur le comportement des animaux. Il partage avec nous les conclusions de ses observations...
Pour Laurent Loiseau, éleveur multiplicateur (SCEA Gallus) sur la commune de La Tessoualle (49) en partenariat avec le couvoir Boyé, l'opportunité d'accueillir Amine El Hallaoui, étudiant en BTS productions animales à l'Iréo des Herbiers, est tombée quasiment à pic !
En effet, la réglementation en matière d'éclairage avec l'arrêt de la fabrication des néons classiques en 2018 et les difficultés croissantes pour trouver des pièces de rechange, rapprochaient l'échéance d'un relamping dans ses trois bâtiments de 1 000 m2 conduits en bande unique (4,37 millions d'OAC/an). « Cela a juste précipité un peu les choses car c'était une occasion en or d'observer de manière précise et rigoureuse l'incidence d'une modification du dispositif d'éclairage sur l'activité des reproducteurs (poules et coqs). Sans la présence d'Amine, je n'aurais pas pu consacrer autant de temps à l'observation des animaux », reconnaît l'éleveur.
Un étudiant pas tout à fait inconnu, puisqu'il s'agit du fils d'un ancien client marocain, du temps où Laurent Loiseau était technicien à l'export pour le sélectionneur Hubbard, avant son installation en 1999.
Un relamping réalisé en décalé
Plutôt que de changer les néons pendant le vide sanitaire comme le font la majorité des éleveurs, il a été décidé à la Scea Gallus, d'intervertir les néons en cours de lot, bâtiment par bâtiment compte tenu du déroulé du stage d'Amine, soit neuf semaines en alternance. « On a ainsi pu réellement observer les différences de comportement des animaux liées au changement d'éclairage car même si l'on a affaire à la même souche, les lots ne se ressemblent pas d'une fois à l'autre », souligne l'éleveur. Et grâce au protocole de l'étude qui prévoyait trois périodes d'observation, Amine a pu faire la part des choses entre une modification ponctuelle/provisoire du comportement des animaux liée au stress de l'intervention et un changement pérenne provoqué par le type d'éclairage.
Pour des questions d'assurance et de sécurité, les deux hommes ont procédé ensemble au relamping : Amine, perché sur un escabeau à trois marches (pas plus), retirait les anciens néons et c'est Laurent, qui était chargé d'installer les néons leds gradables (2 700-3 000 °K, Led Work, garantis 5 ans) fournis par la société Boissinot Elevage, soit deux rangées latérales de 17 néons leds par bâtiment (+ un au fond). Autre avantage : la coupure de lumière a duré moins longtemps en travaillant à deux.
Chaque relamping de bâtiment a été étalé sur deux jours (2 x 4 heures) à raison d'une rangée par jour. Un premier poulailler a été relampé pendant la montée en ponte, les deux autres au pic de ponte. « Par rapport aux néons classiques, les leds ont une meilleure étanchéité (IP67) et un spectre lumineux plus large avec davantage d'UV et d'Infra Rouge », précise Amine. La couleur jaune choisie pour les néons leds est reconnue pour limiter le vieillissement et la fatigue des poules dans le temps avec une incidence positive sur les performances en termes de nombre d'OAC/poule et de fertilité. « Les néons classiques étaient de couleur blanche », précise l'éleveur.
Au même endroit, à trois périodes
Dans chaque bâtiment et à chaque période d'observation, Amine s'est positionné au même endroit et s'est concentré sur une même zone d'étude équivalente à 25 m2. Trois périodes d'observation ont été définies : avant et après changement du matériel d'éclairage, la dernière un à deux mois plus tard. Pour le bâtiment 1, il était ainsi « au poste » les 23 et 26 octobre puis le 17 décembre. Pour le second, les 18 et 20 décembre, et le 7 janvier. Pour le dernier, les 8 et 10 janvier, et le 5 février (recharge de coqs juste avant). L'étudiant s'est intéressé à la fois au nombre de cochages, refus de cochage, combats de coqs, et au picage entre poules.
Des mesures d'intensité lumineuse à l'aide d'un luxmètre ont également été réalisées : en dessous et entre les néons, à hauteur du sol et des caillebotis, à l'entrée des nids et à l'extrémité du bâtiment. La consommation électrique a aussi été mesurée grâce à une pince ampèremétrique. « Comparées au néons classiques, l'intensité lumineuse a été multipliée par deux et la consommation électrique divisée par quatre (4 A au lieu de 16 A) »,signale Amine.
Le relamping n'a eu aucune incidence sur la ponte au sol, a tout de suite précisé Laurent Loiseau. Mais il faut dire que l'éleveur a veillé à mettre toutes les chances de son côté à la conception du bâtiment : rangées de néons positionnées de chaque côté des pondoirs centraux à l'aplomb du caillebotis de manière à éviter les zones d'ombre au pied du caillebotis, poulailler de faible largeur (12 m), ventilation transversale, chaines relevables.
L'activité des coqs a été boostée
Du côté des coqs, « la meilleure répartition de la lumière a eu pour effet de booster l'activité de cochage, c'était encore plus fragrant sur les cochages de fin d'après-midi et lors de la 3ème période d'observation, une fois le stress lié au changement de matériel estompé », constate Amine. Parallèlement, il a pu observer après le relamping une légère augmentation de l'agressivité des coqs et des combats (peu significatif), surtout vers le soir, mais lors de son passage dans le bâtiment quelques semaines après, plus aucune différence n'était visible. « Le phénomène n'a duré que quelques jours », confirme l'éleveur.
Autre modification de comportement signalé à l'issue du relamping : un picage entre poules un peu plus prononcé le matin au moment de la distribution d'aliment (4,76 % sur toute la journée). En revanche, aucune incidence sur les refus de cochage.
Lors de notre passage sur l'élevage mi-mars (poules Ross 308 âgées de 47 semaines à 7,3 poules/m2, réforme prévue à 64 semaines), les performances des lots étaient tout à fait dans les clous pour atteindre les objectifs finaux (202 oeufs/poule, 190 OAC et 152 poussins) et supérieures aux résultats des lots précédents. Avec toutefois, un léger avantage pour le bâtiment relampé en premier (+2 à 3 OAC), au moment de la montée en ponte. « On a toujours des petites différences entre les bâtiments, et ce n'est jamais le même qui obtient les meilleures performances », relativise Laurent Loiseau.
Retour sur investissement en moins de deux ans
L'intensité lumineuse est toujours réglée au maximum. Cependant, le fait d'avoir des néons leds gradables est indispensable, insiste l'éleveur : « C'est une sécurité, on peut baisser l'intensité en cas de problème de comportement dans un bâtiment le temps que cela se calme (ndlr : les trois poulaillers sont dynamiques obscurs)».
C'est aussi utile au moment du transfert des poulettes à 20-21 semaines, l'éleveur se cale sur l'intensité en vigueur dans la poussinière jusqu'à la stimulation à 23 semaines. « Avec les Ross 308, on n'a pas intérêt à les stimuler trop tôt, elles ne sont pas prêtes sur le plan morphologique. On perd quelques OAC sur la phase de démarrage mais vers 35-40 semaines, le retard est rattrapé », explique-t-il.
L'enlèvement des poules est un autre cas de figure où les néons gradables sont pertinents : « Je les règle à une intensité minimale permettant aux équipes d'intervention de travailler dans de bonnes conditions tout en préservant le calme des poules », précise-t-il.
S'il attend la réforme pour regarder d'un peu plus près l'incidence du changement de matériel sur ses performances, Laurent Loiseau ne regrette d'ores et déjà pas son investissement dont le retour sur investissement est estimé à 1,8 an compte tenu des économies d'énergie réalisées. « En comptant la main d'oeuvre, on arrive à environ deux ans », ajoute-t-il. L'étanchéité IP67 est par ailleurs gage d'une bonne longévité du matériel dans le temps (moins d'usure, pas d'entrée de poussières ni d'eau, facilité de nettoyage). En revanche, en cas de panne, il faut tout changer (pas de réglette).
Toutefois, ce n'est pas l'éclairage qui coûte le plus cher, mais la ventilation, signale l'éleveur. Ce dernier a d'ailleurs misé sur le photovoltaïque voilà quelques années (240 m2 sur toiture, électricité auto-consommée) pour adoucir la facture sur le long terme. « C'est toujours intéressant de le faire... », déclare-t-il. Laurent Loiseau fait partie de ceux qui ont toujours un ou deux projets d'avance en tête : il a ainsi l'objectif d'installer une méthanisation d'ici 2021, et aussi de nouveaux boîtiers de régulation.
Quant à Amine, il ne manquait pas non plus d'inspiration : après la soutenance de son mémoire en juin, il espérait pouvoir intégrer l'an prochain l'Esa d'Angers pour y suivre un cursus de 18 mois : 6 mois de stage à l'étranger, 6 mois à l'AERES aux Pays-Bas, 6 mois à l'Esa d'Angers. Bonne route !
E.Viénot