Après l’alerte lancée suite aux conséquences de la période de confinement, où en est la filière aujourd’hui (état des stocks, débouchés, fragilité des acteurs) ?
Concernant les stocks, la situation d’équilibre semble être trouvée. La production a été réduite de 25 %. Grâce à cela, en juillet nous avons pu arrêter de sur-stocker et en août, nous avons commencé à déstocker. À partir d’août, les stocks devraient se stabiliser pour atteindre un plateau. Les mises en place ont été basses, ce qui devrait nous permettre de déstocker dans les mois qui viennent.
Mais la vraie incertitude est l’activité des restaurants et RHD et la consommation des ménages. L’indicateur sera le nombre de repas pris. Le retour de la propagation du Covid risque de perturber la reprise attendue.
Durant la période critique de confinement et post confinement, l’activité GMS a été forte. Sur ce créneau, nos ventes ont été majorées de l’ordre de 8 à 10 % en GMS. Malheureusement, cet accroissement des ventes a surtout profité au magret plutôt qu’au filet. Néanmoins le gros de nos débouchés reste la RHD et l’export ; et là les signaux ne sont pas encore au vert.
Évidemment, pour les acteurs de la filière, la situation est très tendue. Que ce soit en abattoir ou en élevage, nous sommes à -25 % d’activité. Se pose légitimement la question du remplissage des outils et de l’adaptation de ceux-ci. Les vides sanitaires sont encore extrêmement longs. Tant que les signaux ne sont pas au vert, il sera difficile de retrouver un cycle de rotation correct dans les élevages.
Les groupements ont pour la plupart ont mis en place des règles de priorisation pour les mises en place dans les élevages. Néanmoins, si la situation persiste une partie du parc d’élevages devra être réorientée.
À partir de la deuxième semaine de septembre, une partie des élevages va être occupée par les mises en place des volailles abattues pour les fêtes de fin d’année. Au-delà de ce pic, nous sommes dans l’attente de ce qui va se passer à l’export et en RHD.
Les scénarios optimistes parlent d’une embellie au mois de mai 2021, mais tout dépend, comme pour beaucoup d’autres produits, de la reprise de la consommation en lien avec la situation liée au Covid au niveau national et international.
Votre alerte a-t-elle été entendue par les consommateurs, les distributeurs et l’État ?
Les responsables de la filière (Cravi/Cicar/Anvol) et les éleveurs se sont fortement mobilisés pour contacter les élus et les représentants de l’État afin de leur faire part de la gravité de la situation. À chaud, nous avons été écoutés, aussi bien par les correspondants de l’État que dans les instances régionales.
Grâce à l’Anvol, nous avons eu des contacts réguliers avec les distributeurs qui ont cherché à mettre nos produits en avant. Mais nos produits considérés comme haut de gamme n’ont pas forcément été plébiscités par les consommateurs en cette période de crise.
Au niveau de l’État, nous avons été entendus seulement sur une possibilité de reconversion des bâtiments d’élevage. Nous n’avons obtenu aucune aide directe malgré l’engagement de tous les maillons de la filière pour défendre cette production. Par conséquent, malgré la longue inactivité d’un nombre important d’élevages de chair et de reproduction, aucun éleveur n’a pu bénéficier d’équivalence de mesures de chômage partiel. Seule une mesure d’aide au stockage des viandes est à l’étude actuellement.
Quelles pistes sont à l’étude pour redresser la situation ?
Nous n’avons pas d’autres choix à court terme que d’adapter l’offre à la demande. Par ailleurs, il fondamental pour préparer la reprise de maintenir nos capacités de production. Nous sommes en train d’étudier les possibilités de polyvalence sur les bâtiments, ce qui est assez difficile au vu de la spécificité de la production. Concernant le « push » produit, plusieurs actions de communication sont en cours : en GMS avec des offres de réductions immédiates et à l’export. Nous allons notamment valoriser la production auprès de nos consommateurs allemands très friands de notre canard de Barbarie à travers deux projets pour lesquels nous espérons un retour positif dans les semaines à venir : un dossier européen de promotion du canard à rôtir sur le marché allemand et un partenariat avec « La semaine française » au travers du dispositif Taste France, à la fin de l’automne.
Quelles sont les pistes pour consolider la filière à l’avenir ?
Notre année de référence est l’année 2018. C’est le niveau de production qui permet à la filière d’être en ordre de marche. Au niveau commercial, des stratégies sont à trouver par les metteurs en marché. Une étude prospective est en cours en partenariat avec le Cravi et la région Pays de la Loire. Selon les premiers retours, l’axe communication semble essentiel alors que jusqu’à présent, du fait de la demande française et européenne pour cette viande, nous n’avions pas l’obligation de dégager de budgets conséquents pour la mise en marché de nos produits.
Puisque la production européenne de viande de canard est maintenant excédentaire, nous sommes contraints de mettre en place des programmes de communication pour repositionner notre canard, notamment en Allemagne, comme un produit haut de gamme. C’est aussi la volonté des acteurs engagés dans cette filière de mobiliser des ressources pour faire la promotion des qualités de cette viande.
Quelles sont les solutions face au problème de surproduction européenne qui fragilise la filière ?
Un état de surproduction est forcément momentané. Un équilibre va être trouvé entre la viande de canard gras, de canard Pékin et de Barbarie, trois produits qui peuvent être concurrentiels sur certains marchés. Chacun a ses atouts et ses faiblesses. Le canard gras véhicule une image ternie par ses pratiques en termes de bien-être animal et la viande de canard Pékin est considérée par les experts comme un produit ayant une moindre valeur gastronomique. À nous, avec notre canard à rôtir, de faire la promotion de ce patrimoine de la gastronomie française.
Comment voyez-vous l’avenir de la filière à plus long terme ?
L’expérience récente de la crise Covid nous montre qu’il faut voir le problème de manière un peu plus globale. C’est de l’avenir commun de tout le patrimoine gastronomique français : caille, pigeon, pintade, canard qu’il faut aussi parler. Il faudra solliciter les consommateurs très régulièrement, et notamment toucher la cible des plus jeunes générations, pour leur offrir des produits gouteux, diversifiés et en rapport avec les nouveaux modes de consommation. La ligne forte qui devra tous nous mobiliser sera de solidifier le socle de consommation par des campagnes dédiées de communication.