Aux Pays-Bas, les supermarchés imposent les jardins d’hiver

30 août 2021 - Filières Avicoles

Ce mois d’août 2021, la totalité des supermarchés hollandais a annoncé qu’ils ne vendraient que de la volaille labellisée Beter Leven 1*, élevée en bâtiment avec jardin d’hiver, au lieu de l’actuel poulet standard. Et ce avant fin 2023. C’est un nouveau bouleversement pour la filière hollandaise qui est fréquemment ébranlée par les campagnes des associations de défense du bien-être animal, même si les éleveurs parviennent à tirer leur épingle du jeu. L’analyse de Paul van Boekholt, responsable commercial Europe du Nord chez Hubbard.

Comment évolue l’offre de viande de poulet aux Pays-Bas ?

Le premier grand changement a eu lieu en 2012-2014 avec l’introduction du « chicken of tomorrow » ou « poulet de demain ». En 2012, le groupe de défense animale Wakker Dier, qui est petit, mais radical et très influent, a introduit l’idée de « Plofkip » (le poulet qui éclate) via une forte campagne télévisuelle et sur les radios. Ils ont appelé à boycotter chaque supermarché, nommément, un à un. À tel point qu’aujourd’hui, le mot est entré dans le langage courant. Un an après, tous les supermarchés ont annoncé qu’ils abandonnaient leur poulet standard pour le « poulet de demain » avant 2020. Chez Hubbard, nous avions déjà la génétique, alors nous l'avons appelé le "poulet d'aujourd'hui". Nous avons donc travaillé avec les producteurs, les abattoirs, et les couvoirs pour mettre en place ce nouveau poulet. Dès 2013, le leader en GMS, Albert Heijn, qui représente 35 % du marché, a introduit en premier son poulet de demain dans les rayons. C’est une volaille avec un GMQ maximum de 50 g/jour et une densité qui n’excède pas 38 kg/m2, élevée dans des bâtiments enrichis.

Six mois plus tard, le supermarché Jumbo (21 % du marché) a suivi avec une volaille aux exigences supérieures (une densité de 30 kg/m2, un âge minimum de 49 jours au lieu de 45, un GMQ de 45 g/jour et des bâtiments en lumière naturelle). Puis tous les autres supermarchés ont suivi.

Ce mois d’août, les supermarchés hollandais semblent vouloir aller encore plus loin ?

Oui. Après l’introduction du poulet de demain par Albert Heijn en 2014, les supermarchés concurrents ont surenchéri avec des produits encore plus exigeants, notamment sur la densité. Résultat, l’association Wakker Dier a relancé ses campagnes contre Albert Heijn en se focalisant sur la densité, ce qui a poussé l’enseigne à annoncer l’abandon du poulet de demain pour le BL 1* avant 2023. Wakker Dier a alors félicité Albert Heijn par voie de presse, avant de s’attaquer aux autres supermarchés pour les inciter à suivre la même montée en gamme. Trois semaines plus tard, Lidl suivait. Un mois après, c’était Jumbo… Bref, il a fallu à peine cinq mois pour que toutes les grandes enseignes se mettent au diapason. Et Wakker Dier de se tourner désormais vers les petits magasins… Il faut savoir qu’il n’y a que cinq groupes d’achat en Hollande, donc le changement va s’opérer rapidement.

Quels sont les critères de ce label ?

Le Beter Leven 1 étoile correspond à un poulet de 56 jours, élevé en bâtiments avec 3% des fenêtres et un jardin d’hiver d’au moins 20 % de l'espace intérieur du bâtiment, et une densité maximum de 25 kg/m2 (incluant le jardin d’hiver). Le choix de développer un système avec l’élevage en intérieur et pas en plein air a été favorisé par la crise de l’Influenza en 2003 qui, à l’époque, avait engendré la destruction de 40 % de la population de volailles.

Le Beter Leven 2 étoiles correspond au plein air et le 3 étoiles équivaut au bio, mais ces deux derniers segments sont marginaux sur le marché hollandais, car beaucoup plus chers.

La grande distribution accélère la mise en place de nouvelles contraintes sur la production, mais accompagne-t-elle ces changements ?

En Hollande, le marché n’est pas intégré comme en France. Si les acheteurs ont de nouvelles exigences, ils doivent donc augmenter le prix d’achat de manière à permettre au producteur de conserver la même marge par mètre carré et par an. Par conséquent, tous les abattoirs ont augmenté le prix du vif pour inclure les coûts additionnels de densité, consommation d’aliments, d’énergies, d’investissement, etc. générés par ces nouvelles exigences.

Quand le poulet standard était toujours présent, l’écart de prix aavec le poulet de demain était de 20 % dans les supermarchés et le BL1* était 50 % plus cher.

Aujourd’hui, les volumes de BL1* représentent 20 % des produits disponibles en supermarché. Cela signifie qu’il reste encore 80 % de l’offre à faire basculer vers du BL1*. Et ce d’ici  deux ans ! Par conséquent, il existe une grosse pression sur le marché pour trouver des éleveurs prêts à investir  dans  des jardins d’hiver. La concurrence est rude entre les abattoirs qui surenchérissent pour attirer les producteurs, avec des contrats à plus long terme, des aides à l’investissement, des prix additionnels. Cette situation est donc plutôt favorable aux éleveurs.

Plus d'informations dans le prochain numéro de Filières Avicoles
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