Utilisation des antibiotiques au sein des filières avicoles

La réduction des intrants médicamenteux en élevage est une des priorités actuelles de la filière, mais quelle est la situation en France ? L'objectif d'une diminution de 25 % des antibiotiques d'ici à 2017 a-t-il modifié les pratiques ? Le Réseau Cristal nous livre les résultats de son analyse effectuée sur 4 ans, entre 2010 et 2014.
Face au constat du développement d'antibiorésistances, le gouvernement a appelé en 2012 à une utilisation plus prudente et raisonnée des antibiotiques (ATBs) en médecine vétérinaire.
Paru en octobre 2015, le rapport de l'Anses sur l'année 2014 révélait une diminution de l'exposition des animaux aux ATBs critiques -Céphalosporines de 3ème ou 4ème générations (C3G/C4G) et Fluoroquinolones-.
La vente de ces derniers avait elle aussi chuté entre 2013 et 2014. L'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail avait également souligné la nécessité de prises de mesures afin d'enrayer certaines pratiques et parvenir à la réalisation du plan écoantibio.
Le réseau d'épidémiosurveillance de l'antibiorésistance des bactéries pathogènes animales (Résapath) signalait pour sa part l'importante décroissance observée pour les volailles quant à la résistance aux C3G/C4G. Estimé « égal ou inférieur à 5 % en 2014 », celui-ci était auparavant de « 22,5 % en 2010 ».
« Nous sommes sur une logique vertueuse » a déclaré Dominique Balloy, vétérinaire du Réseau Cristal, qui a rappelé l'importance de faire les choses « step by step » (pas à pas).
A noter que « ce contexte de produits sans ATBs n'est pas que franco-français » a-t-il précisé lors de son intervention au cours de la journée d'étude proposée par l'entreprise Idena mercredi 25 mai 2016.
Age au traitement
La récente analyse des bases de données des cabinets vétérinaires Ligériens du réseau Cristal par Emilie Merigoux dans le cadre de sa thèse de Doctorat Vétérinaire a permis d'extraire des pourcentages rendant compte des principales pathologies à l'origine de consultations et prescriptions vétérinaires.
94 557 lignes d'un fichier Excel comprenant le code BCA, la date de mise en place des lots, la date d'ordonnance ainsi que l'effectif d'animaux au traitement etc. ont ainsi été étudiées en vue de faire le point sur l'utilisation des ATBs au cours de ces dernières années en filières avicoles.Les prescriptions d'ATBs sont effectuées en moyenne à 14 jours d'âge en production standard contre 26 jours en Label, et ce pour un poids moyen identique de l'ordre de 500 grammes.
Par ailleurs, la grande majorité des traitements se situe sur la période de démarrage des volailles. « Cela n'est pas une surprise compte tenu de la pression existant pour maîtriser les collibacilloses » a expliqué Dominique Balloy. « Cette phase est déterminante pour les performances ultérieures des animaux ».
Diagnostic digestif
Cela est bien connu, en aviculture, de nombreuses pathologies sont consécutives aux problèmes digestifs.
Et l'analyse des prescriptions est explicite, ces derniers représentant à eux seuls 37 % des consultations en poulets certifiés et standards. Cependant, si ce pourcentage est déjà élevé, « il peut être sous-estimé, car tous ne font pas l’objet d’une autopsie » a averti Dominique Balloy.
En production Label, l'intégrité intestinale représente un peu plus de la moitié des causes d'examen (52%).
Pour les dindes, « espèce dont les fientes sont plus liquides » a-t-il rappelé, le verdict se situe entre poulets standards et Labels (41%).
« Au vu de ces constats, il apparaît clairement que la maîtrise de l'aspect digestif représente un point clé de l'élevage ».
Sur près de « 6 000 à 7 000 autopsies traitées par an », et ce quelle que soit l'espèce, coccidioses et entérites sont les maladies majeures ressortant des diagnostics. Ces dernières sont « moins impactantes en dindes qu'en poulets de chair » a-t-il précisé.
Locomotion et démarrage
Outre les aspects liés au transit, ce sont pour 18 % les troubles locomoteurs « en croissance ces dernières années » a-t-il constaté, ainsi que les mortalités au démarrage qui amènent les éleveurs à consulter.
Arthrite bactérienne (56%) et nécrose de tête fémorale (22%) sont les principales pathologies locomotrices des volailles. « La maîtrise de l'ossification est difficile dans un contexte de croissance rapide » a rappelé le vétérinaire Balloy.
Au début de la vie des volailles, omphalite (45%) et collibacillose (37%) représentent des raisons fréquentes de consultation. Des problèmes de déshydratation, bien que moins souvent en cause, peuvent aussi intervenir au cours de cette période critique et cruciale.
« La démédication au travers d'un travail préalable sur la qualité du poussin est un sujet qui me tient à cœur » a déclaré Dominique Balloy, qui préfère d'ailleurs employer le terme de « médication raisonnée ».
Diagnostic respiratoire
« L'amélioration des vaccins a permis de faire chuter les difficultés respiratoires rencontrées en volailles de chair » a expliqué le vétérinaire Balloy.
La vaccination constitue en effet une des solutions à la diminution de l'utilisation des ATBs en élevage et « beaucoup de travaux sur les autovaccins sont actuellement menés en élevage de poulettes, en vue de lutter notamment contre la colibacillose » a informé ce dernier.
Les troubles respiratoires sont toutefois encore, d'après l'étude, à l'origine de 16 % des consultations en élevages de poulets de chair standards et certifiés. L'incidence de la colibacillose est par ailleurs très forte et estimée à 89 %.
Pour les dindes de chair, « plus sensibles et à durée de vie plus longue » les déficiences respiratoires sont légèrement plus importantes (28%).
Pour cette espèce, la colibacillose représente également la pathologie prédominante, totalisant 64 % des cas entre 2010 et 2014. Viennent ensuite l'ornithobactériose (17%) et l'aspergillose (11%).
« L'existence d'oppositions entre les antibiotiques utilisés contre E.Coli et Ornithobactérium démontre l'intérêt de la réalisation de diagnostics pour la prévention de traitements abusifs » déclare le vétérinaire.
Quant aux canards de barbarie chair, « la parvovirose impacte beaucoup les élevages et n'est toujours pas maîtrisée » a-t-il constaté. En effet, contrairement aux poulets et aux dindes, ce ne sont pas les troubles digestifs mais bien les troubles respiratoires qui génèrent une grande partie des consultations (47%).