L’année 2015 a été plutôt positive pour les éleveurs de volailles de chair comme en témoigne les résultats de l’enquête avicole menée par les Chambres d’agriculture du Grand-Ouest. Toutefois c’est plutôt l’inquiétude qui était de mise fin mai avec un premier semestre 2016 marqué par une forte baisse de l’activité export et des vides sanitaires qui s’allongent en filières standards.Si les résultats de la 34ème enquête avicole réalisée par les Chambres d'agriculture auprès des aviculteurs du Grand-Ouest témoignent d'une situation plutôt en voie d'amélioration sur 2015, l'inquiétude était en revanche de mise le 30 juin face à l'allongement des vides sanitaires auquel font actuellement face les éleveurs.
« L'ensemble du pays subit la sanction de la fermeture des frontières suite aux cas d'Influenza aviaire dans le Sud-Ouest, cela touche la filière export mais aussi le marché du poulet frais », a souligné Didier Goubil, président du groupe avicole à la Chambre d'agriculture de Bretagne, lors de la restitution des résultats de l'enquête.
« Les poulaillers restent vides trois semaines voire plus ces temps-ci , c'est assez catastrophique », a commenté Christophe Labour, président de la section avicole FRSEA des Pays de la Loire.Au handicap sanitaire, s'ajoute pour la filière export, une parité euro/real favorable aux exportations de produits brésiliens à destination du Proche et Moyen Orient, d'ordinaire marchés de prédilection pour la France.
L’érosion du parc se poursuit[caption id="attachment_1339" align="alignleft" width="300"]

Didier Goupil, président du pôle avicole de la chambre d'agriculture de Bretagne.[/caption]Un autre sujet d'inquiétude mis sur la table par les éleveurs présents ce jour là : l'érosion du parc de bâtiments et du nombre d'éleveurs qui se poursuit dans le grand-ouest.
« Les constructions neuves ne sont pas suffisantes pour assurer le renouvellement des générations et des poulaillers », déplore Didier Goubil. La filière a besoin d'investir mais les éleveurs hésitent à le faire compte tenu des réalités économiques.Interrogé sur la situation économique des autres filières de production animales, Didier Goubil répond :
« Les difficultés liées à la mondialisation, on les a connues plus tôt : à partir des années 2000, on a commencé à perdre des surfaces et des éleveurs, c'est pourquoi la crise est plus atténuée en volaille même si on la ressent quand même ! ».Et de rappeler qu'en France, 60 à 70 % des volailles consommées en RHD sont importées, notamment d'Allemagne, des Pays-Bas, de Belgique, de Pologne.
« Le différentiel sortie élevage par rapport à nos concurrents européens n'est pas significatif, hormis dans le cas de la Pologne, en revanche l'écart se creuse si l'on considère les coûts de production sortie abattoir », note-t-il. Surtout avec la viande de volaille polonaise qui est actuellement très bien placée grâce notamment à une main d'oeuvre -polonaise et ukrainienne- payée respectivement 12 et 8 zlotis de l'heure (soit environ 3 € et 2 €), analyse Didier Goubil au regard des données recueillies lors d'un récent voyage d'études réalisé dans ce pays. Et d'observer par ailleurs le bon niveau de performances des éleveurs, notamment en termes d'indice de consommation.
« Les éleveurs polonais achètent eux-mêmes leurs poussins et leurs aliments, ces derniers sont plus riches en protéines et acides aminés de synthèse. Ils ont a priori moins de problèmes digestifs », précise-t-il. En revanche, beaucoup sont inquiets face à l'emballement des projets en aviculture :
« 450 en prévision sur l'année 2016 ».
Le « consommer local » fait son cheminDe son côté, la Bretagne a perdu 1,6 million de m2 depuis 2000 (-26 %) et entre 8 000 et 9 000 emplois sur l’ensemble du territoire.[caption id="attachment_1340" align="alignleft" width="300"]

Jean-Yves Guérot, élu de la Chambre d'agriculture des Pays de la Loire.[/caption]Les grands groupes avicoles français s’attachent à reconquérir les marchés mais c’est un travail de longue haleine. Toutefois, « le consommer local » fait son chemin dans l’Hexagone.
« Le conseil départemental de la Mayenne sous la pression du monde de l’élevage a pris la décision que tous les matières premières composant les repas servis dans les lycées du département seraient à 100 % françaises et à 70 % locales à compter du 31 décembre 2015. Les marchés publics ont toutefois certaines obligations à respecter en matière d’ appels d’offres », a précisé Jean-Yves Guérot, élu à la Chambre d’agriculture des Pays de la Loire.Les acteurs du secteur s’accordent à dire que l’on se trouve aujourd’hui au creux de la vague mais que cela va repartir normalement dans les mois à venir, rapporte Christophe Labour. Sachant que selon lui
« c’est le dynamisme de la demande mondiale en viande de volaille et de l’export qui explique les bons résultats de 2015, et pas les contrats ».[caption id="attachment_1338" align="alignright" width="300"]

Christophe Labour, président de la section avicole FRSEA des Pays de la Loire.[/caption]En revanche,
« 2015 et le début de l’année 2016 sont catastrophiques pour les ventes d’œufs de code 3 qui pâtissent de la pression exercée par les médias et les défenseurs du bien-être animal », a souligné Christophe Labour. Tout en condamnant fermement les mauvaises pratiques en vigueur dans l’élevage de l’Ain mis en avant dans une récente vidéo par L214, Didier Goubil, Christophe Labour et Jean-Yves Guérot rappellent qu’il ne faut mettre tous les éleveurs dans le même panier et que la majorité d’entre eux travaillent bien et ont la fibre animale.
« Dans toutes les professions, il existe des bons et des moins bons » relativisent-ils.
Le poste « chauffage » en réduction[caption id="attachment_1344" align="alignleft" width="300"]

Elodie Dezat, de la chambre d'agriculture d'Ille et Vilaine.[/caption]426 aviculteurs ont répondu cette année à l’enquête pour un total de 916 poulaillers (817 742 m2). L’augmentation de la taille des élevages se confirme,
« les ateliers de moins de 1 000 m2 sont en forte réduction et représentent en 2015 moins de 20 % de l’échantillon contre plus de 40 % en 2000 », souligne Elodie Dezat de la Chambre d’agriculture d’Ille et Vilaine. Parallèlement, on a un vieillissement de la population des éleveurs sur la période 2000-2015, les classes des plus de 40 ans et plus de 50 ans étant désormais majoritaires. Pourtant, 90 % des jeunes qui se sont installés ont une bonne image de leur métier quelle que soit la production, les ¾ croient en l’avenir et n’ont pas la sensation d’être isolé mais en revanche, ils considèrent insuffisantes, leur rémunération et la rentabilité de leur atelier.
« 60 % des bâtiments de l’enquête ont plus de 20 ans contre 20 % en 2000 », précise Elodie Dezat.La forte réduction du prix du gaz en 2015 couplée aux équipements à basse consommation d’énergie ou visant à économiser de l’énergie, ont permis aux éleveurs de limiter la charge du poste « chauffage ».