Rendre l’initiation à l’aviculture obligatoire

L’Iréo des Herbiers, en Vendée, fait partie des quelques écoles en France à proposer des formations dans le secteur avicole. À force d’information et de sensibilisation, les deux formations en aviculture recensent aujourd’hui une petite quarantaine d’élèves, sur les 140 que compte l’établissement. Frédéric Rabaud, actuel directeur de l’établissement revient, sur la difficulté qui consiste à attirer des jeunes sur une filière encore trop méconnue.
Quelle est la place de l’aviculture dans l’enseignement agricole en France ?
D’une manière générale, il n’y en a pas !
Est-ce que cette situation évolue ?
Je n’ai pas de vision concrète à l’échelle nationale, mais j’ai le sentiment que cela ne change pas.
L’IREO des Herbiers propose des formations avicoles. Pourquoi avez-vous fait ce choix ?
Nous sommes dans une démarche proactive. D’une manière générale, les établissements agricoles qui proposent des formations en productions animales ont tendance à aller sur des filières autres que les animaux de rente : le chien, le chat, le cheval, les animaux de zoo, etc. Ce sont des formations attractives pour les élèves. D’autres établissements agricoles ont, bien souvent par habitude ou par confort, conservé les productions traditionnelles, qui sont principalement le bovin viande et le bovin lait. Parfois, ils proposent une ouverture sur d’autres productions hors sol, notamment le porc, mais de manière très ponctuelle.
Au sein de la maison familiale des Herbiers, nous menons depuis plus de vingt ans un projet de territoire en aviculture. La Vendée possède une forte culture avicole et de nombreuses entreprises se sont développées dans ce secteur. Notre démarche fait donc écho à cette culture de territoire et à la demande professionnelle.
Ainsi, depuis plus de vingt ans, nous essayons de travailler autant sur les productions agricoles traditionnelles que sur celles qui le sont un peu moins, comme la volaille.
Quelle réception avez-vous eue de la part des élèves vis-à-vis de ces formations ?
Nous sommes sur un travail de fourmis, lent et difficile. Il serait beaucoup plus aisé de faire comme d’autres centres de formation et d’aller sur des programmes fortement attractifs où nous réussirions à recruter des élèves plus rapidement.
Ces formations nous demandent un investissement important en temps et en agent. Nous avons commencé par développer un certificat de spécialisation (CS) en aviculture au début des années 2000, afin de former de futurs éleveurs. Mais ce programme s’est arrêté suite à une première crise de grippe aviaire. Puis nous avons pu redéployer ce certificat de spécialisation à partir de 2009 grâce à un partenariat avec la Chambre régionale d’Agriculture des Pays de la Loire et son centre de formation d’apprentis. Cependant, entre 2009 à 2013, la période a été difficile, car la formation avicole avait besoin de gagner en notoriété pour réussir à rencontrer son public. Depuis 2014, nous réussissons désormais à constituer des groupes d’environ 15 personnes, ce qui est tout à fait satisfaisant.
En parallèle, il y a plus de deux ans, nous avons entamé une réflexion autour du métier de technicien avicole. Nous nous sommes rendu compte que nombre d’entre eux étaient sur la dernière partie de leur carrière et envisageaient prochainement de quitter leur métier. Et les plus jeunes n’envisageaient pas forcément de faire ce métier-là toute leur vie. Nous avons donc pu percevoir un besoin des entreprises à anticiper des rotations de personnel. C’est la raison pour laquelle, nous avons, avec l’accord du conseil régional des Pays de la Loire, déposé le BTS productions animales par voie d’apprentissage fortement orienté sur le métier de technicien avicole.
Aujourd’hui, nous proposons donc deux formations avicoles : le CS avicole destiné aux éleveurs et le BTS PA destiné aux futurs techniciens avicoles.
Ces deux formations attirent combien d’élèves par an ?
Concernant le BTS PA technicien avicole, nous avons eu la première promotion en septembre 2017 avec neuf apprentis. Le CS avicole comptait cette année dix-neuf élèves. L’an prochain, nous compterons probablement une quinzaine d’élèves pour le CS avicole et entre huit et douze pour le BTS PA.
Quel est le taux de recrutement à l’issue de ces formations ?
Nous ne comptons aucun demandeur d’emploi parmi nos jeunes diplômés ! Selon notre dernière enquête d’insertion réalisée cet hiver, les jeunes diplômés en juin 2017 d’un CS avicole sont aujourd’hui à 73 % salariés, 20 % installés ou en cours d’installation et à 7 % techniciens. Les diplômés d’il y a trois ans sont aujourd’hui à 54 % salariés ; 31 % sont installés ou en cours d’installation et 15 % sont devenus techniciens. Enfin, concernant les diplômés d’il y a 6 ans, 36 % sont salariés en agriculture, 55 % sont installé et nous comptons une reconversion hors agriculture.
Ces résultats confirment que nos formations sont parfaitement en cohérence avec l’attente du milieu professionnel.
Par comparaison, atteignez-vous également 100 % d’emploi pour les autres productions animales ?
C’est la marque de fabrique de la maison familiale ! Tous les jeunes que nous formons aux Herbiers et qui ne sont pas dans une logique de poursuite formation sont forcément en emploi après l’obtention de leur diplôme. Selon l’enquête d’insertion professionnelle que nous menons auprès de nos anciens élèves, ils sont majoritairement salariés en agriculture, puis installés ou en cours d’installation et enfin techniciens. D’une manière un peu plus marginale, nous avons aussi quelques jeunes qui sortent de l’agriculture pour travailler dans un autre secteur.
Quel est le profil des élèves en formations avicoles ?
Une classe de CS avicole est constituée pour un tiers de jeunes qui sortent de BTS et pour deux tiers de jeunes issus de baccalauréats professionnels ou de formation niveau 4. Sur l’ensemble de nos formations, un apprenti sur deux est issu d’une famille d’agriculteurs.
La filière avicole attire-t-elle plus de filles que d’autres productions animales ?
D’une manière générale, la filière avicole n’attire pas grand monde, car elle est malheureusement trop méconnue ! C’est pour moi l’objet d’une grande frustration ! A la maison familiale, nous proposons des modules de découverte de l’aviculture à l’ensemble des classes de BTSA productions animales et BTSA ACSE. On se rend compte que les jeunes ne connaissent pas les métiers de l’aviculture. Or, une fois qu’ils accèdent à un peu d’information et que l’on rentre dans la technique, la filière avicole devient véritablement séduisante. Les jeunes prennent conscience qu’il s’agit de métiers très techniques et très scientifiques.
Les jeunes filles sont traditionnellement plus attirées par les formations équines ou nature. Aux Herbiers, elles réalisent aussi que l’aviculture leur permet d’accéder à des métiers agricoles attractifs qui sont physiquement supportables et dont on peut vivre correctement. Chaque année, nous avons donc beaucoup de « conversions ». Et sur le BTS productions animales, un tiers des rapports examens sont réalisés sur des entreprises avicoles (organismes, cliniques vétérinaires, …). Ce chiffre important résulte du travail d’information et d’éclairage sur ce qu’est la filière avicole sur notre territoire.
Quels sont les clichés inhérents à la filière avicole ?
Quand on parle d’aviculture à des jeunes, ils n’ont pas forcément une mauvaise image, mais ils ne savent pas de quoi il s’agit !
Le second ressenti, c’est une image d’Épinal. Les jeunes n’ont pas conscience de la production standard, des grands élevages, ce qui de prime abord peut les rebuter. Alors que si on leur explique les choses, on n’a aucune difficulté à les intéresser. Lorsqu’on leur dit que la filière avicole a été la première à mettre en œuvre des normes bien-être, bien avant les autres productions animales de rente et que l’on explique les efforts réalisés pour réduire les intrants (antibiotiques …), ils comprennent et y sont sensibles.
C’est vraiment l’absence de connaissances qui permet tous les travers et les dérives possibles.
Au sein de ces formations avicoles, présentez-vous les différents types de productions ?
Nous sommes ouverts sur la globalité des productions avicoles. Nous allons aborder les productions standards, les productions certifiées, labelles, bio, le poulet, la dinde, l’œuf, même le pigeon. Nous essayons vraiment de balayer l’ensemble du spectre volaille.
Quel type de production les attire le plus ?
D’une manière générale, nous observons que les jeunes ont tendance à choisir les productions avec un signe officiel de qualité (label, bio, …). C’est une tendance globale à tous les secteurs agricoles. Même en bovins, plusieurs de nos jeunes ont tendance à privilégier les démarches extensives.
C’est assez représentatif de la société actuelle. Nos jeunes veulent que les animaux soient traités avec bienveillance.
Selon vous, sur un plan plus général, quelle place devrait-on accorder à l’agriculture et quels sont les principaux freins à son extension dans les programmes d’enseignement ?
Maintenant que nous avons une interprofession constituée — ce qui est une excellente nouvelle —, il faut de mon point de vue que celle-ci demande avec beaucoup d’insistance au ministère de l’Agriculture, que quelques heures d’aviculture soient obligatoirement réalisées dans l’ensemble des formations diplômantes du CAPA au BTSA.