A Savigné l’Evêque près du Mans (72), Isabelle Bruneau est éleveuse de poulets fermiers de Loué. Comme une cinquantaine de ses 850 collègues, elle alterne dans ses deux poulaillers de 400 m² des lots habituels de poulets fermiers et des lots de poulets Plein champ, sans mélanges. Elevés aussi sur paille, ces derniers sont nourris avec 70 % de céréales. Comme leurs cousins Label, ils ont à disposition des objets à piquer et des perchoirs, pour qu’ils puissent exprimer leurs comportements naturels.
56 jours d’élevage contre 84
Surtout, ils ont aussi accès à de vastes parcours herbeux à ciel ouvert où ils peuvent picorer et gambader, sans clôtures. Ils ne s’en privent pas une fois leur plumaison complète. « L’accès au parcours est la première attente exprimée par les consommateurs sur le poulet », souligne Yann Macé, category manager volaille LS chez LDC, partenaire industriel et commercial de Loué.
Un détail les distingue toutefois : leur plumage blanc. Les poulets fermiers de Loué sont plutôt roux. La souche n’est pas la même : « Les poulets Plein champ sont issus d’un croisement entre une poule fermière de Loué et un coq standard », explique Yves de la Fouchardière, directeur des Fermiers de Loué.
Une souche à croissance intermédiaire : les volatiles sont élevés 56 jours minimum contre au moins 84 pour les poulets Label de Loué. La densité en bâtiment est plus élevée : 5 200 poulets maximum (13/m²) contre 4 400 (11/m²) en Label. Mais on est loin des 20 à 25 poulets/m² du standard. « Le poulet Plein champ est garanti sans OGM et sans antibiotiques, ajoute Marie Bouchenoire, chef de produit Loué chez LDC. Nous ciblons des consommateurs plus jeunes que ceux achetant du poulet Label Rouge, des familles et des couples à la recherche d’un poulet plus accessible mais responsable. »
Des découpes Label élitistes
Loué et LDC ont en fait lancé sur le marché français une production créée en 2018 pour l’export : le poulet « free-range » signé Nature & Respect. Pourquoi ce choix ? Malgré ses efforts, la filière du poulet fermier peine à développer les ventes de découpes Label Rouge, minoritaires. « Sur un marché de la découpe de poulet stable en volume en 2019, le Label Rouge et le bio ont progressé de 1,5 % mais ils ne pèsent encore que 14 % des ventes contre 70 % sur le poulet entier », cadre Yann Macé. « On ne devrait pas dépasser les 16 % ces prochaines années », s’impatiente Yves de la Fouchardière. Principale explication : le prix relativement élevé de ces découpes Label.
Avec Plein champ, Loué et LDC répondent donc aux attentes des consommateurs sur le bien-être animal avec des prix plus attractifs. « Les deux filets Plein champ se positionnent à 16,40 €/kg contre 12 €/kg en moyenne pour le certifié et 18,60 €/kg pour le Label rouge », explique Yann Macé.
Mais Loué a aussi voulu répliquer aux découpes standards, sans parcours extérieur mais bardées d’allégations valorisantes plus ou moins étayées (sans antibiotiques, sans OGM, élevage respectueux, etc.). Notamment celles du poulet La Nouvelle Agriculture de Galliance. « La couleur verte des étiquettes et l’utilisation de symboles champêtres prêtent à confusion auprès des consommateurs, s’insurge Yves de la Fouchardière. Malgré ces allégations, ce sont des poulets standards de 42 jours qui ne sortent pas à l’extérieur ».
Risque de cannibalisation
Or, alors que la production de poulets fermiers de Loué a baissé de 2 % l’an dernier, ces poulets standards avec allégations gagnent du terrain. Tout en apportant des ventes additionnelles, la découpe La Nouvelle Agriculture a mordu sur le Label Rouge, y compris sur Loué. « Nous ne pouvions pas rester les bras croisés », justifie Yves de la Fouchardière.
Offensive et séduisante, la réponse de Loué n’en est pas moins risquée. Plein champ est cosigné Le petit marché de Loué (sans le logo Label Rouge). Au risque de cannibaliser les ventes de ses découpes fermières. En revanche, pour préserver son poulet entier Label, Loué n’a pas décliné Plein champ sur le PAC. Mais le nouveau sillon qu’il a tracé pourrait être élargi par d’autres avec l’entier.
Pour l’heure, Loué produit environ 30 000 poulets Plein champ par semaine contre 430 000 en Label rouge. Référencée par la plupart des enseignes, la gamme bénéficiera d’un plan de soutien décliné tout au long de l’année : bandes de rives, stop-rayons, BRI en avril (0,40 € à 1 €) et en mai-juin (0,50 €), communication sur les réseaux sociaux et en presse grand public en mai-juin, habillage de bacs à partir de juin et animations avec des éleveurs.