Œufs bio : un pari réussi

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En avril 2014, Jérémy Jacquemin se lançait dans l’aviculture, épaulé par son beau-frère Jérôme Thirion, à Levoncourt dans la Meuse. Avec ses 2 900 m2 pour 15 000 poules, le site devient le plus grand élevage de pondeuses bio en Lorraine. Trois ans plus tard, que sont-ils devenus ? Interview croisée avec Jérémy Jacquemin et Philippe Lapie, responsable développement CDPO.

Vous aviez 25 ans lorsque vous vous êtes lancé, et relativement novice sur l’élevage de pondeuses puisque vous aviez fait vos études dans l’aménagement du territoire, qu’est-ce qui a été le plus difficile pour vous au début ?

J. Jacquemin : Le plus difficile a été de se familiariser avec toutes les fonctionnalités du bâtiment : la gestion de l’ambiance, l’éclairage, la gestion de l’alimentation, etc. Mais nous avons été très épaulés par les techniciens, surtout au début. Ils sont passés toutes les semaines pendant toute la durée du premier lot (64 semaines). Grâce à leurs conseils, nous sommes progressivement devenus plus autonomes pour les lots suivants.

À l’époque vous étiez le plus grand élevage de pondeuse bio en Lorraine, d’autres ont-ils suivi votre exemple depuis votre installation en 2014 ?

P. Lapie : Depuis, CDPO a enregistré une dizaine d’installations sur cette zone, soit un total de 100 000 pondeuses bio. Il y a un an, nous avons monté un élevage de 18 000 pondeuses dans l’Aisne. Il existe peut-être quatre élevages de cette taille en France. La profession nous a alors reproché de faire de trop grands bâtiments. C’est pourquoi nous sommes revenus à des bâtiments de 12 000 poules.

À l’époque, le marché de l’oeuf de consommation souffrait d’une surproduction. Vous aviez alors fait le pari de vous tourner vers le bio, qui semblait plus porteur. Conseilleriez-vous aux éleveurs qui cherchent à s’installer d’aller sur le marché du bio ?

J. Jacquemin : Effectivement, nous avions bien fait, car la filière bio était en pleine expansion. Les prix de l’alimentation bio ont subi une légère augmentation, mais comme nos contrats sont indexés dessus, nous n’en avons pas subi les conséquences. Aujourd’hui, on conseillerait à ceux qui s’installent de faire au moins du plein air, mais l’avenir me semble plutôt orienté vers le bio.

P. Lapie : Au moment où Jérémy démarrait, les céréales conventionnelles avaient littéralement flambé. Heureusement, les producteurs n’ont pas trop senti la vague grâce à l’indexation du prix de l’oeuf sur celui de l’aliment. Même chose aujourd’hui sur le bio, nous avions enregistré en fin d’année dernière deux hausses consécutives de 10 €/t et ce mois-ci les fabricants d’aliments nous annoncent à nouveau une hausse de 10 €/t. Là encore, le prix de reprise sera réaligné.

Sur les cinq dernières années, on a été capables de tirer les prix de revient, les producteurs sortent des marges correctes, l’entreprise s’en sort bien aussi. Cependant, il ne faudrait pas que demain, le marché s’engorge, comme cela s’est passé il y a quatre ans, avec une surproduction et un effondrement des prix tel que du bio a dû être envoyé en casserie.

Mais pour l’instant, je ne pense pas que l’on risque la surproduction. En effet, il y a beaucoup d’appelés, mais il y aura peu d’élus. Car il reste des freins à la production : d’abord, car la partie administrative devient épouvantable. Ensuite, car un projet comme celui de M. Jacquemin représente 800 000 €. Il faut encore être capable d’aller convaincre les banques.

À l’époque, CDPO cherchait de nouveaux éleveurs, est-ce toujours le cas ?

P. Lapie : CDPO représente environ 650 000 poules bio aujourd’hui et on est en rupture de stock tous les matins. Avec la crise du fipronil, les besoins supplémentaires en bio représentent environ 10 à 20 % des ventes. C’est pourquoi, depuis un mois, la consigne c’est : « plein pot sur le bio ».

Avez-vous effectué des changements sur votre exploitation depuis votre installation ?

J. Jacquemin : Nous avons autonomisé la ventilation centrale pour améliorer l’ambiance. Car jusque là la ventilation manuelle nécessitait d’être régulièrement manœuvrée et l’ambiance n’était pas toujours idéale tout au long de l’année.

Concernant les équipements, on est globalement satisfait. Le seul bémol concernerait la mise en route de la chaine d’alimentation qui a posé quelques soucis au début, mais les constructeurs nous avaient prévenus.

Vous aviez opté pour des jardins d’hiver, ce qui est encore assez rare en France, en êtes-vous satisfait ?

J. Jacquemin : Les jardins d’hiver ont des avantages et des inconvénients. D’un côté, les poules peuvent sortir même par temps de pluie, mais en hiver, les jardins ne sont pas isolés et apportent du froid dans l’élevage. Mais en même temps, lorsqu’il fait vraiment très froid, ils font tampons avec la salle d’élevage.

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