Œuf de consommation : le cri d'alarme des éleveurs !

A Réguigny dans le Morbihan, Sébastien Robic gère une exploitation de 15 400 poules pondeuses plein air, et un atelier de 32 000 poules en cages aménagées. Aujourd'hui il tire la sonnette d'alarme.
Car face à la volonté annoncée des distributeurs d'arrêter de vendre des œufs produits en cages aménagées d'ici 2020, il est en colère. « Aujourd'hui je ne sais pas où je vais ! »
A l'heure actuelle, son activité de production d’œufs de consommation ne lui permet plus de vivre. Pour « joindre les deux bouts », comme il dit avec son épouse Marie-Elise, il gère une activité de testage de croisement de souches avec le sélectionneur ISA. A 46 ans, cet éleveur déplore l'absence de visibilité qu'il détient aujourd'hui sur l'avenir. « Si demain l’œuf en cage n'est plus commercialisé en GMS, à quel prix sera revendu notre œuf ? »Comme beaucoup d'autres éleveurs dans son cas, Sébastien Robic a réalisé de nombreux et lourds investissements en 2012 afin de mettre aux nouvelles normes européennes son atelier de cages aménagées. Des investissements qu'il doit rembourser pendant encore 7 ans. « Aujourd'hui, au-delà de la problématique de devoir trouver des terres pour le parcours des poules élevées en plein air, il nous paraît très difficile à l'heure actuelle de refaire de nouveaux investissements pour transformer nos ateliers de cages aménagées en plein air. Il aurait été préférable qu'on nous laisse travailler et rembourser ce que l'on doit déjà payer ! Nous éleveurs avons dû faire de gros efforts financiers encore récemment pour répondre aux exigences réglementaires décidées suite aux pressions de la grande distribution. Des évolutions majeures en terme d'installations et de bien-être animal ont été réalisées. Autant d'améliorations que le consommateur ne voit malheureusement pas, et pourtant ! »
Sur ce point, la profession admet qu'il y a peut-être eu un défaut de communication auprès des consommateurs : « Il faut que ça change. Soyons factuels et concrets. Nous n'avons rien à cacher. Bien au contraire, nous sommes fiers de nos élevages et de la façon dont ils sont gérés et entretenus aujourd'hui », ont expliqué Franck Picard, Président de Armor Œufs et éleveur de poules pondeuses en cages aménagées à Bignan (56), et Anne-Françoise Robin, également éleveuse de poules pondeuses en cages aménagées, à Caro (56).
« Ne laissons pas nos détracteurs parler à notre place, il est de notre devoir de reprendre la main sur la communication en matière de production d’œufs en France ».
Il poursuit : « cette mise aux normes a coûté à l’ensemble de la filière près de 1 milliard d’euros sur quinze ans. Mais aujourd’hui, sous l’influence d’associations de protection des animaux, la demande change à nouveau. Nous sommes prêts à adapter nos exploitations pour produire en plein air, mais nous n’avons pas les capacités financières pour supporter ce nouvel investissement. »
Dans ce contexte, la filière demande le soutien des distributeurs. Le CNPO a en effet présenté son projet de Contrat Sociétal d'Avenir (CSA) aux professionnels de la filière œufs et aux différents partenaires. Au travers de l'engagement de toutes les parties, son objectif est de répondre aux attentes des consommateurs en atteignant 50% de poules élevées en système alternatif à l'horizon 2022. Un objectif ambitieux et très coûteux car il impose de modifier le système d'élevage de 10 millions de poules d'ici à 2022, soit 2 millions de poules par an à compter de 2017 pour préserver le potentiel de la filière. Cette opération a un coût chiffré à 500 millions d'euros sur 5 ans, que les éleveurs ne pourront pas assumer seuls compte-tenu des investissements très conséquents déjà faits lors des mises aux normes bien-être 2012. La GMS a été sollicitée à hauteur de 100 millions d'euros pour soutenir ce projet, soit 20 millions/an sur 5 ans. Le CNPO attend désormais son retour.
Le CNPO espère qu'un accord pourra être trouvé avec les représentants de la GMS à l'occasion du Salon de l'Agriculture qui vient d'ouvrir ses portes samedi. Le risque si un accord n'est pas trouvé : une intensification des ruptures d'approvisionnement dans les magasins, et la faillite de certains éleveurs. A bon entendeur…
Retrouvez la suite de cet article dans l'un de nos prochains numéros de Filières Avicoles.