AB : santé et bien-être des poulets biologiques

Avec 744 exploitations agricoles biologiques (AB) en 2014, soit une progression de 8 % par rapport à 2013, la demande en volailles de chair alternatives grandit sur le territoire français. Mais, quels recours naturels s'offrent aux éleveurs de ces productions ? Et, quelles sont leurs pratiques de prévention ?

Débuté en 2013, le projet multi-filière « Casdar Synergies pour la santé des élevages biologiques » piloté par l'institut technique de l'agriculture biologique (Itab) avait pour objectif principal la gestion de la santé et du bien-être animal (BEA) en AB.

« C'est une histoire récente mais aux prémisses anciennes. Ce projet fait partie de tout un cheminement et nous a demandé beaucoup d'énergie », a déclaré André Ledu, co-président de la commission élevage. La volaille, espèce à cycle de production court, s'est révélée, pour ce travail, « plus simple compte tenu de la durée limitée à trois ans » a confié Catherine Experton de l'Itab.

C'est afin d'appréhender de façon objective des questions portant sur les pratiques d'élevage (démarrage, soins, bâtiment, biosécurité…), mais aussi d'apporter des éléments de réponse, que l'Itab a mené cet ambitieux travail achevé en début d'année. Témoignages et conseils ont également accompagné, mardi 7 juin 2016, la présentation des résultats de l'étude. Et de potentiels axes de poursuite du projet ont d'ores et déjà été envisagés.itablUn recueil des attentes et besoins des éleveurs, tout comme des établissements d'enseignement, quant à des formations sur la santé des animaux en AB, a ainsi semblé pertinent à réaliser. La mise en place d'un cahier des charges (CDC) sur l'observation pratique de l'usage des plantes a lui aussi été discuté. « Il y a beaucoup d'attentes à ce niveau là » a confié Catherine Experton pour qui cela représenterait « non pas un travail sur les solutions alternatives, mais la mise en place d'un cadre pour en parler ».Le bio : entre croissance et manqueLes produits issus de l'AB sont, de nos jours, de plus en plus sollicités par les consommateurs. En témoigne l'émergence de nombreux magasins spécialisés, de même que l'apparition de rayons toujours plus imposants et volumineux dédiés à l'AB au sein des grandes et moyennes surfaces (GMS).Respectueux de l'environnement et du BEA, ce mode de production est cependant loin de la conception parfois simpliste que peuvent en avoir certains citoyens. En effet, revendiquant des pratiques d'élevage spécifiques et naturelles, dont la plus citée et connue est sans doute aujourd'hui l'absence de recours aux intrants médicamenteux, l'AB requière de fait « la maîtrise d'une excellente technicité » a-t-elle expliqué.

Or, cela passe par des actions préventives, en vue du maintien de la santé des animaux. Et, « le CDC bio interdit l'utilisation de médicaments allopathiques chimiques de synthèse ou d'ATBs à des fins préventives » a-t-elle rappelé. Ces derniers ne sont en effet tolérés qu'en curatif et à hauteur d'un traitement par animal maximum.

De même, aucun document technique n'apporte d'éléments quant aux coûts et quantités, ou à l'efficacité des produits pouvant être utilisés en AB. Contrastant avec les reconversions et nombreuses mises en place de volailles biologiques de ces dernières années en France, « un réel besoin d'approfondissement des connaissances est nécessaire » a déclaré cette dernière.Et celui-ci apparaît d'autant plus justifié compte tenu du contexte actuel de diminution des ATBs, ainsi que de l'échéance prochaine du plan écoantibio. « Nous souhaitons offrir des références, une véritable aide aux agriculteurs en production biologique » a-t-elle renchéri.Et, « des manques ont clairement été ressentis en matière de santé, notamment au niveau des méthodes alternatives et de l'écopathologie » a-t-elle poursuivi. Cas concrets, films, synthèses ou encore fiches explicatives pouvant venir épauler les agriculteurs, demandeurs, manquent à l’appel...Des questions aujourd'hui sans réponseLes productions AB, qui font de plus en plus parler d'elles, restent aujourd'hui parfois énigmatiques. En effet, rares sont de nos jours les connaissances disponibles et accessibles quant aux pratiques de ces modes d'élevage.Quelles sont les spécificités des exploitations biologiques ? Quels facteurs sont à maîtriser pour assurer croissance et développement des volailles, et ce tout en considérant BEA et cahier des charges (CDC) AB ? Côté santé, de quels recours alternatifs, à des fins préventives ou curatives, disposent les éleveurs ? Comment diminuer la pression sanitaire, et comment réduire les pathologies ? Autant de questions aujourd'hui sans réponse…

Il a été constaté en amont et lors de la réalisation du Casdar que « beaucoup de gens n'ont pas connaissance de la réglementation sur les statuts des substances à base de plantes en santé animale » a déclaré Catherine Experton. Et, si certains sont parvenus à acquérir des compétences dans le domaine, l'enseignement dispensé reste, selon eux, « plutôt complexe ».

Aussi, où en est la recherche ? Quelles sont les recommandations actuellement préconisées, et par qui sont-elles délivrées ? « Actuellement, les huiles essentielles relèvent de l'illégalité en médecine vétérinaire » a constaté André Ledu pour qui « l'utilisation des plantes n'a pas encore été adaptée aux élevages biologiques et standards. D'où la mise en place d'un groupe à l'Itab ».Santé digestive : AB vs standardSur 85 lots de poulets en AB enquêtés, « 32 ont signalé un problème sanitaire, soit 37,6 % des éleveurs », a déclaré Rozenn Souillard de l'Anses. Parmi eux, « sept éleveurs ont eu recours à un traitement conventionnel selon le CDC biologique » a-t-elle indiqué, précisant que 5,9 % avaient eu recours à un traitement antibiotique. Suite à cette révélation, grand nombre d'éleveurs présents dans la salle ont laissé exprimer leur étonnement. « Le plus souvent, il s'agissait de problèmes digestifs (28,2%) » a-t-elle poursuivi.poulet jauneFréquemment reliés à la qualité d'eau de boisson ainsi qu'aux paramètres d'ambiance des bâtiments, coccidioses et entérites -nécrotiques ou non précisées- ont été les principales pathologies décelées suite aux examens réalisés par Jean-Michel Répérant (Anses). Des pathologies que l’on retrouve en AB mais aussi en productions standards. En effet, une étude menée en France et dans 50 élevages de poulets avait estimé, en 2007, que la prévalence des troubles digestifs des exploitations conventionnelles était de l'ordre de 52 %.Cependant, comme « les conditions d'élevage, l'âge d'abattage et les génotypes ne sont pas les mêmes, une comparaison entre système biologique et standard est délicate » a rappelé Catherine Experton.Le plein-air, parfois trop « vers » ?Lors des examens parasitaires, Ascaridia galli, principalement retrouvé au niveau de l'intestin grêle, et Heterakis gallinarum, qui effectue préférentiellement, pour sa part, son cycle de développement au niveau du caecum des volailles, sont les deux helminthes ayant été recherchés à chacune des visites.Ces derniers, à l'origine de faiblesse, perte de poids et diarrhées, ou encore de retards de croissance chez les jeunes pour Ascaridia galli, n'offrent généralement que des tableaux cliniques peu caractéristiques. En outre, « les vers peuvent être présents dans l'intestin sans signe clinique associé », n'engendrant « aucun lien statistique entre helminthes et problèmes digestifs » a-t-elle signalé.Infectant le plus souvent les volailles par voie directe, ou indirecte pour Heterakis gallinarum -ingestion par un poulet d'un lombric ayant lui-même au préalable ingéré un œuf embryonné-, ce sont au total « 50 élevages, soit 59 % des lots » qui ont été touchés par ces helminthes suite aux résultats obtenus en seconde visite.

Si aucun effet saison ne s'est révélé au cours de l'analyse, une étude menée en 2011 sur des poules pondeuses élevées en plein-air avait pour sa part démontré une prévalence globale des parasites intestinaux significativement plus élevée en été. La diversité des parasites rencontrés était elle aussi plus importante à cette période.

Bien-être et ABSi la présence d'un parcours est obligatoire en AB, et ce afin de permettre l'expression comportementale des volailles qui doivent, selon le CDC, pouvoir y accéder « au moins 1/3 de leur vie » a-t-elle rappelé, l'ensemble des règles assurent-elles un réel bien-être ? Si oui, comment évaluer cet aspect, et quelles mesures prendre en compte ?En tant qu'indicateurs de BEA, tarses, pododermatites et plumages ont été attentivement analysés chez les volailles étudiées. Notés avec des scores allant de 0 « absence de lésion » à 4 « lésions avérées » pour les tarses et pododermatites, et de 0 « propre » à 3 « très sale » pour le plumage, les résultats ont été globalement positifs, démontrant « un bon état de bien-être des poulets biologiques » a-t-elle affirmé. De fait, « quasiment rien n'a été observé pour les tarses et le plumage » a renchéri Rozenn Souillard.Côté locomoteur, si à la seconde visite, moins de la moitié des volailles était concernée par des lésions (44,1 %), « un quart d'entre elles présentaient tout de même des lésions avérées » a-t-elle cependant déclaré.Afin de percevoir les élevages de façon globale, d'autres indicateurs, en plus de ceux de santé et de bien-être, ont été pris en compte : la litière et la température. L'échelle des scores allait, pour la première, de 1 « sec et non croûté » à 4 « humide et croûté à plus de 25 % ». La seconde a été évaluée à l'aide d'une sonde. Au total, c'est en quatre endroits différents et pour trois zones (couchage, alimentation et abreuvement) que chacune d'elles ont été appréciées.Et, si l'humidité est apparue naturellement supérieure en seconde visite, notamment au niveau des zones d'abreuvement générant des températures plus faibles « 20,4°C en moyenne contre 24,7°C » a déclaré Catherine Experton, « ni zones ni visites n'ont démontrées de réelles différences » a déclaré Rozenn Souillard.Les risques biologiquesD'après une étude menée en 2015, « la densité apparaît comme un facteur prédisposant aux entérites nécrotiques, à la mortalité et aux problèmes locomoteurs », principaux troubles rencontrés au cours de l'étude. La densité est aussi associée aux lésions du tarse et aux pododermatites, elles-même en lien avec des litières dégradées.Bien que la surface totale utilisable des bâtiments soit, en AB, plafonnée à 1 600 m² (480 m² par bâtiment), la réglementation autorise des densités supérieures de « 16 poulets par m² avec un maximum de 30 kg de poids vif par m² » pour des poulaillers mobiles, contre « 10 poulets par m² avec un maximum de 21 kg de poids vif par m² » pour des bâtiments fixes. De fait, en cas de manque de rigueur ou de mesures préventives, les atouts du côté ambulant tels que l'extraction du fumier et le renouvellement des parcours, peuvent se révéler plus à risque.De même, la présence sur un seul site de bandes multiples, qui ne permet pas un assainissement suffisant vis-à-vis des agents pathogènes et parasites, peut influencer négativement l'état de santé ainsi que le bien-être des volailles.Avec 14 élevages sur 15 concernés par un tel mode de production -contre 23 sur 70 en organisation professionnelle-, dont 10 en bâtiments itinérants, les éleveurs indépendants, dont « l'encadrement technique est généralement moindre », sont de fait apparus comme une classe aux modalités santé et BEA inférieures (cf encadré 4). 44 % ont d'ailleurs reconnu et estimé ne pas disposer de suffisamment de conseils.
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